Faut-il brûler Voltaire ?

Photo © : Celette, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

27 juin – 3 juillet 2024

Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle

Les propositions (une page environ) accompagnées d’une bio-bibliographie, sont attendues au plus tard le 1er septembre 2023 et sont à adresser conjointement à :

linda.gil (at) univ-montp3.fr
gerhardt.stenger (chez) univ-nantes.fr

Lire l’appelFabula la recherche en littérature

Faut-il brûler Voltaire ?

Dans le prolongement de la préparation d’un volume consacré aux rééditions des écrits de Voltaire et d’une enquête annuelle consacrée à Voltaire au Panthéon, publiée depuis trois ans dans les Cahiers Voltaire, nous souhaitons explorer les aléas de la réception des écrits et de la pensée du philosophe de Ferney. La réception, l’image et l’héritage de Voltaire sont toujours aussi problématiques aujourd’hui qu’en 1778 ou en 1874, date à laquelle Eugène Labiche lançait cet anathème provocateur à travers une comédie désopilante (Brûlons Voltaire !). L’histoire de cette réception polémique se confond avec l’histoire politique de la France. Voltaire est devenu, davantage qu’un auteur classique, une icône, un nom que l’on invoque lors des manifestations ou au lendemain des meurtres des journalistes de Charlie Hebdo ou des attentats du 13 novembre, pour rappeler les valeurs de justice, de laïcité, de tolérance et de combat pour la liberté d’expression qui sont celles de la République française. Cette rencontre souhaite d’abord revenir sur l’histoire de cette réception complexe, et des manipulations de l’image de Voltaire qui font dire aujourd’hui à un journaliste historien qu’« à scruter certains de ses écrits, comme son Dictionnaire philosophique, soigneusement épuré depuis, on découvre un être cupide, misogyne, homophobe, hostile aux Juifs et à Mahomet » (Jean-Marc Albert, Valeurs actuelles, 8 août 2020). Comment retrouver l’unité dans cette œuvre, dans la trajectoire de cet homme, qui permette de le lire sans le dénaturer, sans l’amputer, sans le dévitaliser ?

Au-delà de cette réception polémique que nous désirons interroger et informer, et des possibilités de lire tout Voltaire aujourd’hui, ce colloque souhaite revenir à travers le cas de cet écrivain emblématique sur la formation de l’image de l’intellectuel au 18 e siècle, c’est-à-dire aux fondements de notre modernité, à travers des relectures de textes peu connus aujourd’hui. Comment Voltaire est-il devenu le maître à penser de la génération des encyclopédistes et, après eux, de tant de « gens de bien », pour reprendre une expression qui revient régulièrement dans sa correspondance avec Diderot ? Comment a-t-il construit l’autorité de sa parole, proposant à son lecteur une éducation au questionnement critique et à l’émancipation intellectuelle, par l’usage de la raison, revendiquant la légitimité du philosophe à « oser avoir une opinion » sur la res publica et instaurant l’usage du rire politique, conçu comme poétique et comme éthique, posant cette question toujours si actuelle : « La philosophie peut-elle réparer les maux affreux qu’a faits la superstition ? »

C’est cette modernité, cette actualité de Voltaire dont nous souhaitons débattre lors de ce colloque, à travers des approches de son usage de la langue, des mots, des styles, pour en jouer, pour rire et pour penser. Inépuisable inventeur de formes, de fictions, de personnages, de postures, de pseudonymes et de marionnettes, Voltaire a été et s’est voulu avant tout un poète, épique, tragique, mondain et intime à la fois. Ce mélange des genres, sans cesse combiné dans de nouvelles propositions littéraires et éditoriales, médiatisé par une correspondance et des textes d’escorte tous plus facétieux les uns que les autres, reste encore méconnu du grand public. Nous chercherons à redécouvrir cette modernité de l’artiste et du penseur. Éditions, réception, images, lectures, réécritures, usages culturels et politiques de Voltaire d’hier à aujourd’hui constitueront un second axe de nos discussions. Les questions sociales et économiques, religieuses et philosophiques les plus actuelles formeront le troisième temps, et ce sera certainement l’enjeu crucial de ces rencontres, avec le programme d’une traversée de l’œuvre qui permettra, tout en explorant les aspects conservateurs de sa pensée, faits de préjugés personnels et culturels de son temps, de mettre au jour des visages méconnus de Voltaire, poète emprisonné, voyageur clandestin sous mandat d’arrestation, européen, altruiste, féministe, laïc, entrepreneur, écologiste, végétarien, penseur de la condition animale, tenté par le matérialisme, et peut-être même athée et républicain, un Voltaire « indéfiniment actuel », pour reprendre les mots de Paul Valéry.

Pour parler de ces questions, nous invitons les chercheurs et universitaires français et étrangers
spécialistes de Voltaire (historiens, philosophes, littéraires), mais aussi des artistes et des
intellectuels (écrivains, éditeurs, avocats, journalistes, hommes politiques, hommes de théâtre) à
a-nous adresser leurs propositions qui pourront prendre la forme d’une conférence, d’une
communication, d’une participation à une table ronde ou encore d’une performance théâtrale
ou musicale.